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Séminaire "Ethnocritique de la littérature" (EHESS, 2006-2007)

Séminaire "Ethnocritique de la littérature" (EHESS, 2006-2007)

La réflexion a d'abord porté cette année sur la question des relations entre oralité (rituelle ou non) et littératie (littéraire ou non). Il a été proposé une approche contrastive des relations à la fois complémentaires et conflictuelles entre oralité et ordre graphique à la lumière des travaux de J. Goody et des anthropologues de l'écrit. Nous avons proposé les notions de " capital littératien " (capital objectivé, institutionnalisé, incorporé), de " coefficient de littératie " (une communication sociale est plus ou moins transposable d'un ordre langagier dans un autre), mais aussi d' " infrastructure littératienne " (une salle de classe ou une piscine sont alignées et géométrisées comme un cahier d'écolier et une page d'écriture) et enfin de coût, goût et dégoût de la littératie. Cette problématique ainsi revisitée a été travaillée dans le cadre d'une étude très attentive d'un roman de BalzacLe Colonel Chabert (1832) constitue en effet un observatoire de premier ordre des tensions historiques et des interactions sociales entre culture de l'oralité et culture de l'écrit, et de leurs interpénétrations. La thématique du " retour d'un mort " qui peine à se faire reconnaître par défaut de papiers d'identité revêt dans le récit du romancier toute sa violence existentielle, économique et politique, et confère toute sa force poétique et anthropologique à la littérature.

 

La seconde partie du séminaire a été consacrée à l'exposition et à la discussion de travaux de doctorants. Guillaume Drouet (Metz), tout d'abord, étudiant l'organisation calendaire des Misérables de Victor Hugo, a montré comment le parcours de Cosette peut se lire à l'aide des analyses ethnologiques sur l'éducation des jeunes filles (celles d'Y. Verdier notamment). Astrid Bouygues (Paris) a proposé quant à elle une lecture critique d'un poème de Robert Desnos, "Le Couplet du boucher", qui tente de faire le départ entre une approche de type mythocritique (elle se réfère, entre autres, aux travaux de G. Durand sur les " structures anthropologiques de l'imaginaire ") et une approche de type plus ethnocritique du texte. Enfin, Hermine Valois-Melka (Toulouse) a présenté les premiers résultats de son travail de doctorat, en particulier son travail en cours sur la thématique de l'initiation féminine dans des romans américains contemporains (A. TylerS. Hutsvedt par exemple). Elle s'est donnée comme objectif d'en étudier l'impact culturel en réception à partir d'un questionnaire d'enquête proposé à un échantillon de lecteurs.

 

La réflexion a porté ensuite sur le problème des " embrayeurs culturels ", id est des marques textuelles et discursives qui manifestent à la surface du texte (et du paratexte) la présence de traits d'altérité culturelle interne, traits organisés ou non en sous-systèmes symboliques. L'étude du Petit Chaperon Rouge de Perrault a permis d'esquisser une typologie de ces embrayeurs (y compris iconiques) et de commencer à construire l'hypothèse d'une logogenèse des récits. Ainsi, par exemple, l'expression " se jeter dans la gueule du loup " pourrait être au principe de l'écriture et / ou de la lecture du conte en tant que variation langagière et remotivation culturelle d'une locution idiomatique qui peut elle-même faire l'objet d'une analyse anthropologique.

 

Enfin, nous avons ouvert un nouveau chantier en abordant la lecture ethnocritique du théâtre contemporain, plus spécialement le théâtre de V. Novarina. C'est à partir de L'Animal du temps que nous avons commencé à approcher son œuvre comme cosmologie mythico-poétique et rite d'auto-institution polyphonique. A suivre.

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