La berceuse appartient à ce qu’on appelle de façon un peu condescendante les petits genres (Bricout, 2016) de la littérature orale1. Musique chantée, chansonnette, elle est associée à une action précise, le bercement. Chant de l’attente, elle est attente d’un sommeil qui tarde à venir parfois et que l’adulte qui chante s’efforce d’apprivoiser. Son rythme régulier est souvent construit sur deux notes alternatives qui reproduisent les oscillations du berceau et qui sont supposées favoriser l’endormissement. En somme, un enfantin langage performatif :
Do, do, l’enfant do,
Do, do, l’enfant do.
L’enfant dormira bientôt.
Ce genre nous est transmis aujourd’hui en partie de bouche à oreille (souvent dans des versions très fragmentaires) et en partie sous forme écrite. C’est sous la forme écrite que nous est parvenue le fonds le plus important de cet ensemble : recueils de collectes savantes, mais aussi livres-CD illustrés et même albums de littérature de jeunesse pour la période la plus contemporaine.
La question que nous nous proposons de travailler est la suivante : que fait ou plus exactement que défait l’écrit dans la berceuse ? Qu’est-ce qui se perd de ce genre qui appartient au folklore oral enfantin quand il passe à la forme écrite ? Qu’advient-il de la vitalité de l’oralité quand elle s’arraisonne à l’ordre de la littératie ?
Dans un premier temps, il s’agit de prendre la mesure de ce qui tombe, comme dit Roland Barthes, dans la « trappe de la scription » (1974 : 9-13) lorsque la berceuse orale est transcrite pour figurer dans des recueils, dans des livres. Ce mouvement de transcription est relativement ancien. Ainsi, dans la Friquassée crotestyllonnée, paru à Rouen en 1601, on peut lire, mêlées à d’autres comptines, proverbes, dictons et facéties, quelques berceuses. Mais le mouvement de collecte est particulièrement important au XIXe siècle. À titre d’exemples, nous citerons : L’Emprô genevois, de Jean-Aimé Gaudy-Le Fort et Jean-Daniel Blavignac, publié en 1874 et sous-titré de façon précise Caches, rondes, rimes et kyrielles enfantines. Le Fer à risoles ; Les Enfantines du « bon pays de France », de Philippe Kuhff, parues en 1878 avec là encore un sous-titre aussi long que prometteur, Berceuses, Rondes, Noëls, Chansons de Fileries et Brandons, Risettes, Devinettes, Ballades, Légendes, Romances, Amusettes, Dictons et Quatrains ; et enfin, bien sûr, les célèbres Rimes et jeux de l’enfance, d’Eugène Rolland, publiés pour la première fois en 1883, avec un chapitre sur les berceuses.
Ces retranscriptions, soumises à l’ordre graphique, s’alignent sur la page blanche, les unes au-dessous des autres. Regroupées, elles occupent une place précise dans chaque recueil : au chapitre 2, dans la liste des « Kyrielles enfantines », après « Le Hoquet » et « L’Éternuement » et avant « Les Marionnettes » et « Les Sauteuses », chez Gaudy-Le Fort et Blavignac ; entre la rubrique « Les Heures, les cloches » et la rubrique « Risettes, joies de la mère », chez Philippe Kuhff ; en ouverture, chez Eugène Rolland.
En observant, par exemple, les pages consacrées à la berceuse dans Rimes et jeux de l’enfance, on remarque que les variantes données peuvent être introduites par a) et b) et que, parfois, une variante supplémentaire est ajoutée entre parenthèses avec une note de bas de page explicative. Des virgules, des points-virgules segmentent l’écrit, qui s’organise en strophes. Une lettre majuscule débute le texte, un point le termine, et ainsi s’offre au regard un ensemble parfaitement délimité. Au-dessous de chaque bloc textuel, systématiquement, des italiques indiquent la région de France où l’exemple a été collecté. L’imprimé calibre et standardise un ensemble ordonné, numéroté de 1 à 16 : les berceuses recueillies, muettes maintenant, sont parfois accompagnées de leur partition (de la musique écrite avec des signes sur un ensemble de lignes). L’arraisonnement à l’écrit en est démultiplié.
L’assignation graphique non seulement fait entrer dans les normes typographiques, mais il a aussi pour effet de tout uniformiser sur son passage : visuellement, les berceuses ressemblent aux rondes, qui ressemblent aux formulettes, et ainsi de suite. Jack Goody rappelle, dans La Raison graphique (1979), que
quand un énoncé est mis par écrit, il peut être examiné bien plus en détail, pris comme un tout ou décomposé en éléments, manipulé en tous sens, extrait ou non de son contexte. Autrement dit, il peut être soumis à un tout autre type d’analyse et de critique qu’un énoncé purement verbal. Le discours ne dépend plus d’une « circonstance » : il devient intemporel. Il n’est plus solidaire d’une personne ; mis sur papier, il devient plus abstrait, plus dépersonnalisé. (96-97)
Alors qu’avons-nous définitivement perdu dans ce passage de la berceuse orale à la berceuse écrite ?
Tout d’abord la malléabilité propre à la parole chantée. On sait à quel moment la berceuse commence, mais on ne sait pas quand elle finit, car le signe de son efficacité est marqué par son interruption même. L’adulte qui berce suit l’avancée du sommeil, la voix diminue en intensité, la parole se défait, devient sons répétés, murmures fredonnés pour laisser, en toute fin, place au silence. La berceuse en effet suppose un échange ouvert, « in process » : les interactions sont liées ici à une situation de communication paradoxale, parce qu’aucune réponse articulée n’est attendue. L’in-fans auquel s’adresse le chant ne sait pas encore parler. C’est bien l’effet performatif qui compte. Et, pour ce faire, il y a toujours une part d’improvisation laissée à celui ou à celle qui berce dans le choix des paroles qui peuvent être répétées, oubliées, plus ou moins inventées ou empruntées à d’autres chansons2 : on ne sait pas à quel moment va avoir lieu l’endormissement. Mais quand la berceuse devient texte, la mémoire incorporée et sélective laisse place à une mémoire artificielle au pouvoir de stockage infini. Et le document, clos sur lui-même et définitif, mono-sémiotique et décontextualisé, peut être reproduit autant de fois que l’on veut, à l’identique.
Rousseau, dans le cinquième chapitre de son Essai sur l’origine des langues (1781), dit à propos de l’écriture qu’« elle substitue l’exactitude à l’expression » (1993 [1781] : 73). Il ajoute quelques lignes plus bas qu’« il n’est pas possible qu’une langue qu’on écrit garde longtemps la vivacité de celle qui n’est que parlée » (73). Et c’est bien ce passage de l’esthésique à l’esthétique que l’on retrouve dans nos berceuses quand, de paroles chantées, elles deviennent texte écrit. Ce qui se perd, c’est tout un monde de sensations au profit de l’esthétisation plus ou moins grande d’un répertoire patrimonial à conserver et à transmettre. L’événement de parole chaque fois unique qu’est le chant de la berceuse repose sur la co-présence, la proximité, le corps à corps. Qu’il se trouve dans son berceau, qu’il soit enveloppé dans des bras protecteurs, l’enfant reconnaît l’inflexion d’une voix, ressent la chaleur, le souffle de la personne qui le berce. Le rythme du balancement, le rythme des pulsations cardiaques lui rappellent (peut-être) le rythme bienfaisant du temps où il vivait dans le ventre maternel. La répétition de sons ou de mots berceurs plus ou moins monosyllabiques (do, do) qui imite le va-et-vient du bercement scande la chanson. Ce balancement phonique tend peut-être à se rapprocher (imaginairement ?) du langage des enfants, les premiers sons appris très tôt. Tout un mimétisme qui est là pour signifier l’apaisement et le mouvement, l’apaisement dans le mouvement.
Lors d’une conférence sur les berceuses espagnoles prononcée à Madrid en 1928, Federico García Lorca précise que pour provoquer le sommeil de l’enfant, divers facteurs importants entrent en jeu :
Une fois que les fées ont créé l’ambiance, il ne manque plus que deux rythmes : celui, physique, du berceau ou de la chaise et celui, mental, de la musique. La mère conjugue ces deux rythmes – l’un qui s’adresse au corps, l’autre à l’oreille – et, avec des mesures et des silences divers, les mêle jusqu’au moment où elle obtient le ton juste qui charme l’enfant. (2008 [1928] : 131)
Et ce contact hic et nunc, plutôt complexe, la berceuse écrite ne peut en rendre compte. L’échange immédiat, direct, synchrone devient un texte à la communication différée, asynchrone : « Le mot écrit n’est plus directement lié au “réel”, il devient une chose à part, il est relativement détaché du flux de la parole, il tend à ne plus être autant impliqué dans l’action, dans l’exercice d’un pouvoir sur la matière. » (Goody, 1979 : 100)
On l’aura compris, ici, c’est la perte du corps que le passage au répertoire, au corpus révèle. Les corps (celui du bercé, celui du berceur) en co-présence, la gestualité et le toucher, la voix et ses inflexions mélodiques et changeantes jouent un rôle essentiel dans la berceuse. En effet, pour remplir sa fonction, la berceuse peut se passer de mots – elle peut être une sorte de murmure fredonné sur un rythme particulier. Elle ne peut pas se passer du corps et du geste. Dans ses réflexions sur « l’anthropologie du geste », Marcel Jousse précise que si « l’écriture empêche le libre jeu des gestes » (2008 : 284), par contre « nos mots sont incarnés profondément dans nos gestes. Si bien que pour avoir le mot, il nous faut faire le geste. » (307) Aussi est-il particulièrement attentif à la berceuse, celle de sa mère, petite paysanne sarthoise illettrée qui le berçait jadis et qui conservait dans ses bras berceurs, au-delà des années, la « forme » du petit Marcel.
Couchée sur le papier, prise dans l’ordonnancement de la page et passée au tamis de l’imprimerie, la berceuse écrite subit également l’effacement de sa dimension rituelle.
En effet, le mot « berceuse » – qui marque l’identification générique – entre dans la langue française un peu avant le début des grandes collectes3 : le complément du Dictionnaire de l’Académie française de 1881 le mentionne (121). Par contre, l’appellation ancienne que l’on trouve par exemple dans La Friquassée crotestyllonnée (XVIe siècle) est « chanson de nourrice ». Quant au Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle (1881) de Godefroy, il donne le terme de « berceresse », à traduire par « berceuse », dans le sens de « femme qui berce ». Il cite aussi le mot « bercere » qui signifie « nourrice qui berce » (623). Ce changement lexicographique n’est pas un simple jeu de substitution – un mot en remplaçant un autre – : c’est un changement de paradigme culturel dans lequel la dimension pragmatique s’efface au profit de la catégorisation littéraire savante. Le passage d’un micro/monde en actions à sa représentation couchée sur un univers de papier.
Il n’en demeure pas moins que la chanson/diction du bercement est bien un micro-rituel domestique. Celui ou celle qui berce (la mère souvent, le père ou tout autre personne qui s’occupe de l’enfant) tient le rôle de passeur. Il s’agit d’aider au passage de la présence à la séparation des corps. Et le sommeil, c’est l’expérience de la séparation originelle toujours renouvelée d’avec la mère. Pour glisser dans l’endormissement, il faut s’abandonner : apprivoiser le noir, le silencieux, le solitaire, l’immobile, le hors-temps. La berceuse, parce qu’elle est paroles chantées et fredonnements, rapprochement de deux corps, balancement régulier, rassure et assure la transition. Quand, dans les bras, l’enfant ferme les yeux, le chant devient murmure et l’adulte dépose délicatement dans le berceau le petit dormeur ou la petite dormeuse. Ce geste de détachement ne doit pas être fait trop tôt. Le passage doit être accompli (ou presque) sinon tout est à recommencer. Mais la personne qui berce initiée/habituée sait lire/deviner les signes du vrai sommeil.
Ce petit rituel domestique de la berceuse orale, qui marque les débuts de la vie, est de fait parfois présent aussi au moment de la quitter… En effet, il est possible d’esquisser une homologie entre le sommeil pacifié engendré par la berceuse et le sommeil éternel. C’est cette homologie – la langue nous y invite, les rites aussi – entre le berceau et la tombe que certains imaginaires culturels ou artistiques prennent en charge. Prenons quelques exemples où le corps et le geste, la voix et le chant, la mort et la vie donnent à l’oralité une de ses dimensions anthropologiques.
Voici d’abord un tableau de Vincent van Gogh intitulé La Berceuse4 qui peut nous introduire précisément à ce double endormissement. L’artiste se demande en effet s’il a « chanté avec ses couleurs une petite berceuse » (lettre à son ami Köning, 17 janvier 1889)… Le tableau semble bien aller de l’enfance perdue à la mort prochaine. La série des Berceuses (cinq toiles peintes de 1888 à 1889) encadre le fameux épisode de l’oreille coupée et précède le suicide de 1890. La Berceuse ici est moins une chanson dite/écrite qu’un geste. En effet, une femme tient une corde accrochée à un berceau, un berceau que l’on ne voit pas. Cette femme cherche peut-être à renouer avec les gestes d’autrefois de la mère qui berçait. Est-ce aussi une quête d’apaisement pour l’adulte vacillant au bord de la raison ? Au bout de la corde, y a-t-il un berceau, un cercueil ? De fait, la berceuse, son chant, ses gestes, ses « officiants », son « monde » vont d’un temps et d’un lieu à l’autre. Une corps/oralité retrouvée ? Un temps suspendu ? Un temps pendu ?
À travers la danse sarde de l’argia (c’est une araignée à la piqûre très venimeuse) l’anthropologie culturelle nous donne un second exemple de ce continuum symbolique entre bercement des vivants et bercement des morts. La personne piquée par l’argia doit être exorcisée dans les formes requises par le rite thérapeutique. L’argia, âme coupable et condamnée, vient en effet du monde des (mauvais) morts et elle injecte en quelque façon son tourment indicible à l’individu qu’elle pique. Celle ou celui qui est piqué peut être identifié à un enfant ou à un défunt, aussi existe-t-il une grande diversité de chants et d’actions cérémonielles pour prier « la grande argia » de s’en aller. Et le choix du rite approprié se fait en fonction de l’identification. Ainsi l’argia « petite fille » nécessite de placer la victime (un mort que l’on veut faire revenir à la vie) dans un grand berceau protecteur. Puis, on lui chante des ninne nanne. Il faut les chanter en pleurant. Cette oralité rituelle du chanter-pleurer est interrompue par des gémissements et des soupirs, un peu comme pour les lamentations funèbres exécutées par les lamentatrices professionnelles (Gallini, 1988 : 149-154).
Enfin, plus proche de nous sans doute, la littérature offre elle aussi de nombreuses associations berceuse-mort qui travaillent l’imaginaire des textes (bercer les morts, chanter une berceuse pour les morts). Cette littérature – certes écrite – témoigne de modes de bercement funèbre, mais elle en souligne les traits d’oralité. C’est bien la mélopée de la voix et la présence directe qui font la force et le pouvoir de ces berceuses rituelles dont la littérature moderne serait comme l’arche culturel. Ainsi, Chateaubriand décrit dans les dernières pages d’Atala (1801) le rite funéraire d’une jeune indienne – « la fille de la fille de René l’Européen » (1996 [1801] : 161) – qui tient son enfant mort sur ses genoux : « [Elle] chantait d’une voix tremblante, balançait l’enfant sur ses genoux, humectait ses lèvres du lait maternel, et prodiguait à la mort tous les soins qu’on donne à la vie. » (158) Dans « La Jasante de la vieille » (1914), Jehan Rictus, lui, fait entendre le parler des faubourgs d’une mère venue au cimetière se recueillir devant le carré des condamnés où son fils, guillotiné, est enterré. Au moment de partir, elle entend des pleurs, et c’est à la berceuse d’autrefois qu’elle a recours pour consoler symboliquement son enfant (et se consoler elle-même tout autant sans doute) :
Oh ! Louis… si c’est toi… tiens-toi sage
Sois mignon… j’arr’viendrai bientôt…
Seul’ment… fais dodo… fais dodo,
Comme aut’fois dans ton petit lit,
Tu sais ben… ton petit lit cage.
Chut !… c’est rien qu’ça… pleur’pas… j’te dis
Fais dodo va… sois sage… sage,
Mon pauv’tout nu… mon malheureux
Mon petiot… mon petit petiot. (1155)
Émile Zola lui-même, on s’en souvient, scénographie magistralement dans L’Assommoir (1877) le passage vers le grand sommeil. À la fin du roman, Bibi-la-Gaieté, le croque-mort voué aux frontières avec l’au-delà, retrouve spontanément les gestes et les paroles de la berceuse au moment de mettre Gervaise – son enfant imaginaire – dans son cercueil-berceau :
Et, lorsqu’il [le croque-mort] empoigna Gervaise dans ses grosses mains noires, il fut pris de tendresse, il souleva doucement cette femme qui avait eu un si long béguin pour lui. Puis l’allongeant au fond de la bière avec un soin paternel, il bégaya, entre deux hoquets :
- Tu sais… écoute bien… c’est moi, Bibi-la-Gaieté, dit le consolateur des dames… Va, t’es heureuse. Fais dodo, ma belle! (1969 [1877] : 445)
On perçoit combien le « fais dodo » de la berceuse vient re-ritualiser ce que la mort dans le placard sous l’escalier, comme un chien en quelque sorte, avait défait. Il ré-affilie Gervaise au monde des humains, une ultime fois. Ainsi, la berceuse, qui va du petit sommeil nocturne au grand sommeil fatal, semble apaiser les passeurs et les passants, les morts et les vivants6.
On voit combien la pensée sauvage de l’art et de la littérature peut ré-ensauvager la berceuse en lui faisant explorer les gestes perdus de la ritualité et retrouver des voix d’outre-temps.
Aujourd’hui, les berceuses font partie à part entière de la littérature de jeunesse. Et ce ne sont plus les ouvrages de collectes minutieuses que nous allons observer, mais les supports proposés au jeune public.
Un premier exemple nous est donné par le site Ricochet, une plateforme numérique dédiée à la littérature pour l’enfance et la jeunesse. À l’entrée thématique « Berceuses », une vingtaine d’occurrences sont répertoriées. Il y a quelques albums, mais plus particulièrement des livres-CD. Ce sont ces derniers que nous allons analyser. Mes plus belles berceuses jazz et autres musiques douces pour les petits (2015) sont présentées par l’éditeur comme « les plus belles berceuses jazz à mettre entre toutes les oreilles pour s’éveiller à la beauté du monde… » Est également signalée la présence d’« interprètes exceptionnels ». La personne qui berce de la tradition orale n’a pas besoin d’une technique vocale sophistiquée pour exécuter ce chant plutôt monotone. Mais, ici, la berceuse est en quelque sorte « élevée » au rang de spectacle musical à forte plus-value esthétique. Il s’agit d’éduquer au goût, au bon goût, et pour cela de ne pas s’endormir trop vite !
Cette esthétisation se retrouve également dans les autres titres : Les plus belles berceuses classiques (2013), Les berceuses des grands musiciens (2004), Henri Dès. Les plus belles berceuses (2006). On vante l’intérêt pédagogique qui permet « d’aborder le répertoire classique ». 27 chansons et berceuses (2013) propose des chansons « sélectionnées parmi les plus connues, à lire, à chanter et à regarder à deux ». La dimension éducative est toujours mise en valeur : « […] quelques mots sont mis en images pour faire participer l’enfant de façon ludique », précise le commentaire.
La qualité des voix et la performance artistique permettent d’éduquer l’oreille, la sélection permet de constituer un répertoire restreint et reconnu, la mise en textes et en images des chansons les transforment en objets à lire, à regarder et éventuellement à chanter.
Cette propension à faire de la berceuse un bel objet à voir et à lire est particulièrement mise en valeur dans l’album d’Anne Brouillard, édité en 2011 chez Seuil Jeunesse, qui imagine une Berceuse du Merle. Le site Babelio présente ainsi l’ouvrage :
Un petit texte écrit comme une berceuse, peut se chantonner : l’auteur en a composé la musique, dont la partition est reproduite en page titre. Les paroles rythment les pages de l’univers sonore qui entoure l’enfant. Le bruit que fait la maman dans la pièce d’à côté, celui des enfants qui jouent dehors, les sons plus lointains de la ville et, bien sûr, le chant du merle7…
Cette attention appuyée portée aux sons dans la présentation ne fait qu’accentuer la dimension muette de l’univers graphique et imagier que propose l’album. Une partition en ouverture donne des notes alignées sur une succession de portées disposées les unes au-dessous des autres. Le texte de la berceuse se déroule horizontalement sous chacune d’elles. Ensuite, les images entrainent le lecteur ou la lectrice dans la chambre du bébé qui dort, mais aussi à l’extérieur, sur l’arbre, avec le merle chanteur. Chaque image qui se déploie sur une double page évoque un élément du texte, qui s’inscrit tantôt en haut à gauche ou à droite de la page, tantôt en bas à droite. Cette berceuse pour un enfant qui dort déjà se termine par le réveil du bébé. Les illustrations aux couleurs chaudes et douces parlent d’un monde où les personnes, les animaux et les choses sont à leur place, comme le texte qui sagement dit le bonheur d’être tout petit.
La berceuse du deuxième album étudié puise davantage dans le corpus classique et renoue avec la fonction d’endormissement qui est la sienne. Dodo, l’enfant, do, de Timothy Knapman et Helen Oxenbury, est publié chez Kaléidoscope en 2016. Deux enfants, Alice, la grande sœur, et Jack, le petit frère, jouent dans le jardin, quand ils entendent un « bruit » mélodique qui vient de la forêt. Alice propose d’aller voir, le petit a peur du Grand Méchant loup. Ils y vont quand même et finissent par découvrir une « maman loup » (dit le texte) qui chante une berceuse à ses petits. Rassurés, ils rentrent à la maison, se couchent et s’endorment paisiblement.
L’album propose une fiction qui met la berceuse au centre de la narration et la déplace résolument du coté du monde de la littérature écrite enfantine : celui de la forêt des contes aux arbres immenses, nombreux, feuillus (c’est l’image qui le montre) ; celui aussi du Grand Méchant loup « avec ses grosses griffes pointues et ses mâchoires comme des hachoirs » (c’est le texte qui le répète). Et peut-être est-il possible d’ajouter à cette liste Alice, celle du Pays des merveilles et Jack, celui du haricot magique. C’est différent, nous semble-t-il, des berceuses de la tradition orale, plutôt ancrées dans le réel et le concret de la vie quotidienne :
Au berceau,
Dodo, dodo mon poulot
[…]
Apportez moi du lolo
Pour la soupe à mon poulot,
Là-bas dans un petit pot. (Rolland, 2002 [1883] : 9)
Les deux jeunes personnages que l’on suit sont embarqués dans une quête : la quête de la berceuse perdue, celle de la toute petite enfance possiblement. Ils peinent à la reconnaître et une grande partie de l’album se passe en interrogations.
La berceuse n’est d’abord qu’une succession de signes graphiques que les yeux déchiffrent. Abandonnant la ligne droite, l’écriture se fait courbe et juxtapose des lettres en caractères gras et regroupées en syllabes qui miment la mélodie lointaine. Dans un aimable jeu typographique, elle se distingue nettement du texte narratif, qui utilise des caractères plus fins, rangés au cordeau. Puis, petit à petit, au fil des pages, des mots apparaissent, plus ou moins reconnaissables : « Ô ô fan fan tôôô », « mon trésor ». Enfin, le texte de la berceuse « empoétisé » est donné en entier, dans une superposition de courbes régulières8, parfaitement lisibles. Un bel objet visuel esthétisé qui se lit comme une poésie :
Dodo, l’enfant do
L’enfant dormira bien vite
Je veille sur ton sommeil
Chante l’étoile dans le ciel
Dodo, l’enfant do
L’enfant dormira bientôt
Et l’enfant doucement s’endort
Fais de beaux rêves, mon trésor. (Knapman et Oxenbury, 2016 : 23)
On remarquera que, malgré la tentative de casser la ligne droite de l’écriture par une ligne courbe, les règles typographiques sont parfaitement respectées. Organisé en distiques, le texte de la berceuse doit jouer avec l’espace de la page. Pour permettre l’alignement de certains vers, un peu trop longs pour entrer dans le cadre prévu, le dernier mot est renvoyé au fer, à droite, sur la ligne qui suit. Notre jolie berceuse de papier élégamment calligraphiée est définitivement entrée dans la raison graphique.
Bien évidemment, un adulte peut lire l’album à de jeunes lecteurs ou à de jeunes lectrices et donner une voix au texte, mais il s’agira de faire entendre l’écrit, de l’oraliser. Ce mouvement d’oralisation des textes n’est d’ailleurs pas récent en littérature de jeunesse. Il suffit de se rappeler les bibliothécaires de L’Heure Joyeuse et la création de L’Heure du conte dans les années 1920. Mais ces mises en voix restent totalement soumises à l’ordre de la littératie : on réécrit les textes pour les alléger, on les apprend par cœur.
Alors, la berceuse, texte « plein, saturé, en un sens parfait » n’est plus cet objet « toujours ouvert », « imparfait », « lacunaire » que la transmission orale permet à un autre berceur-auditeur de compléter, d’enrichir ou d’abréger. Le lectorat de la jolie berceuse de papier, devant le texte fermé qu’elle propose, n’est plus capable d’entendre le « sous-texte » présent dans les lacunes ou les non-dits de la berceuse de l’oralité. Il a perdu « sa troisième oreille […], celle qui peut saisir ce qui n’a pas été dit mais seulement ressenti ou pensé » (Belmont, 1997 : 217). Sur les rayonnages des bibliothèques, écrites et revêtues de couvertures colorées, les belles berceuses des albums de littérature de jeunesse s’offrent au regard des lecteurs et des lectrices. Mais elles ne chantent plus… « Longtemps, longtemps la voix humaine fut base et condition de la littérature. […] Un jour vint où l’on sut lire des yeux sans épeler, sans entendre, et la littérature en fut toute altérée. » (Valéry, 1971 : 180, l’auteur souligne)
- Emprisonné en Belgique de 1873 à 1875, Paul Verlaine écrit, pour le recueil Cellulairement – qu’il ne publiera pas de son vivant –, une « Berceuse » qui s’ouvre par la strophe suivante : « Un grand sommeil noir/Tombe sur ma vie :/Dormez, tout espoir/Dormez, toute envie ! » Le poème se clôt par cette dernière strophe : « Je suis un berceau/Qu’une main balance/Au creux d’un caveau :/Silence, silence ! » (2010 [1873-1875] : 159)
- Dans Les Chants du crépuscule (1885), de Victor Hugo, « L’Hymne aux morts de Juillet » commence ainsi : « Ceux qui sont morts pour la patrie/Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie/[…]/Et, comme ferait une mère,/La voix d’un peuple entier les berce en leur tombeau ! » (2002 [1885] : 37)
- Anatole Le Braz, célèbre folkloriste de la Bretagne, compose lui aussi une « Berceuse d’Armorique » (1914) mise en musique par Poldowski. Cette berceuse met en scène une vieille femme qui chante pour endormir un petit enfant au destin tout tracé : comme son père il sera matelot et périra en mer. Enchâssés, comme dans une sorte de mise en abyme, deux vers disent le bercement des morts : « Au pays du Froid, la houle des fjords/Chante sa berceuse en berçant les morts. »
La berceuse appartient à ce qu’on appelle de façon un peu condescendante les petits genres (Bricout, 2016) de la littérature orale1. Musique chantée, chansonnette, elle est associée à une action précise, le bercement. Chant de l’attente, elle est attente d’un sommeil qui tarde à venir parfois et que l’adulte qui chante s’efforce d’apprivoiser. Son rythme régulier est souvent construit sur deux notes alternatives qui reproduisent les oscillations du berceau et qui sont supposées favoriser l’endormissement. En somme, un enfantin langage performatif :
Do, do, l’enfant do,
Do, do, l’enfant do.
L’enfant dormira bientôt.
Ce genre nous est transmis aujourd’hui en partie de bouche à oreille (souvent dans des versions très fragmentaires) et en partie sous forme écrite. C’est sous la forme écrite que nous est parvenue le fonds le plus important de cet ensemble : recueils de collectes savantes, mais aussi livres-CD illustrés et même albums de littérature de jeunesse pour la période la plus contemporaine.
La question que nous nous proposons de travailler est la suivante : que fait ou plus exactement que défait l’écrit dans la berceuse ? Qu’est-ce qui se perd de ce genre qui appartient au folklore oral enfantin quand il passe à la forme écrite ? Qu’advient-il de la vitalité de l’oralité quand elle s’arraisonne à l’ordre de la littératie ?
Dans un premier temps, il s’agit de prendre la mesure de ce qui tombe, comme dit Roland Barthes, dans la « trappe de la scription » (1974 : 9-13) lorsque la berceuse orale est transcrite pour figurer dans des recueils, dans des livres. Ce mouvement de transcription est relativement ancien. Ainsi, dans la Friquassée crotestyllonnée, paru à Rouen en 1601, on peut lire, mêlées à d’autres comptines, proverbes, dictons et facéties, quelques berceuses. Mais le mouvement de collecte est particulièrement important au XIXe siècle. À titre d’exemples, nous citerons : L’Emprô genevois, de Jean-Aimé Gaudy-Le Fort et Jean-Daniel Blavignac, publié en 1874 et sous-titré de façon précise Caches, rondes, rimes et kyrielles enfantines. Le Fer à risoles ; Les Enfantines du « bon pays de France », de Philippe Kuhff, parues en 1878 avec là encore un sous-titre aussi long que prometteur, Berceuses, Rondes, Noëls, Chansons de Fileries et Brandons, Risettes, Devinettes, Ballades, Légendes, Romances, Amusettes, Dictons et Quatrains ; et enfin, bien sûr, les célèbres Rimes et jeux de l’enfance, d’Eugène Rolland, publiés pour la première fois en 1883, avec un chapitre sur les berceuses.
Ces retranscriptions, soumises à l’ordre graphique, s’alignent sur la page blanche, les unes au-dessous des autres. Regroupées, elles occupent une place précise dans chaque recueil : au chapitre 2, dans la liste des « Kyrielles enfantines », après « Le Hoquet » et « L’Éternuement » et avant « Les Marionnettes » et « Les Sauteuses », chez Gaudy-Le Fort et Blavignac ; entre la rubrique « Les Heures, les cloches » et la rubrique « Risettes, joies de la mère », chez Philippe Kuhff ; en ouverture, chez Eugène Rolland.
En observant, par exemple, les pages consacrées à la berceuse dans Rimes et jeux de l’enfance, on remarque que les variantes données peuvent être introduites par a) et b) et que, parfois, une variante supplémentaire est ajoutée entre parenthèses avec une note de bas de page explicative. Des virgules, des points-virgules segmentent l’écrit, qui s’organise en strophes. Une lettre majuscule débute le texte, un point le termine, et ainsi s’offre au regard un ensemble parfaitement délimité. Au-dessous de chaque bloc textuel, systématiquement, des italiques indiquent la région de France où l’exemple a été collecté. L’imprimé calibre et standardise un ensemble ordonné, numéroté de 1 à 16 : les berceuses recueillies, muettes maintenant, sont parfois accompagnées de leur partition (de la musique écrite avec des signes sur un ensemble de lignes). L’arraisonnement à l’écrit en est démultiplié.
L’assignation graphique non seulement fait entrer dans les normes typographiques, mais il a aussi pour effet de tout uniformiser sur son passage : visuellement, les berceuses ressemblent aux rondes, qui ressemblent aux formulettes, et ainsi de suite. Jack Goody rappelle, dans La Raison graphique (1979), que
quand un énoncé est mis par écrit, il peut être examiné bien plus en détail, pris comme un tout ou décomposé en éléments, manipulé en tous sens, extrait ou non de son contexte. Autrement dit, il peut être soumis à un tout autre type d’analyse et de critique qu’un énoncé purement verbal. Le discours ne dépend plus d’une « circonstance » : il devient intemporel. Il n’est plus solidaire d’une personne ; mis sur papier, il devient plus abstrait, plus dépersonnalisé. (96-97)
Alors qu’avons-nous définitivement perdu dans ce passage de la berceuse orale à la berceuse écrite ?
Tout d’abord la malléabilité propre à la parole chantée. On sait à quel moment la berceuse commence, mais on ne sait pas quand elle finit, car le signe de son efficacité est marqué par son interruption même. L’adulte qui berce suit l’avancée du sommeil, la voix diminue en intensité, la parole se défait, devient sons répétés, murmures fredonnés pour laisser, en toute fin, place au silence. La berceuse en effet suppose un échange ouvert, « in process » : les interactions sont liées ici à une situation de communication paradoxale, parce qu’aucune réponse articulée n’est attendue. L’in-fans auquel s’adresse le chant ne sait pas encore parler. C’est bien l’effet performatif qui compte. Et, pour ce faire, il y a toujours une part d’improvisation laissée à celui ou à celle qui berce dans le choix des paroles qui peuvent être répétées, oubliées, plus ou moins inventées ou empruntées à d’autres chansons2 : on ne sait pas à quel moment va avoir lieu l’endormissement. Mais quand la berceuse devient texte, la mémoire incorporée et sélective laisse place à une mémoire artificielle au pouvoir de stockage infini. Et le document, clos sur lui-même et définitif, mono-sémiotique et décontextualisé, peut être reproduit autant de fois que l’on veut, à l’identique.
Rousseau, dans le cinquième chapitre de son Essai sur l’origine des langues (1781), dit à propos de l’écriture qu’« elle substitue l’exactitude à l’expression » (1993 [1781] : 73). Il ajoute quelques lignes plus bas qu’« il n’est pas possible qu’une langue qu’on écrit garde longtemps la vivacité de celle qui n’est que parlée » (73). Et c’est bien ce passage de l’esthésique à l’esthétique que l’on retrouve dans nos berceuses quand, de paroles chantées, elles deviennent texte écrit. Ce qui se perd, c’est tout un monde de sensations au profit de l’esthétisation plus ou moins grande d’un répertoire patrimonial à conserver et à transmettre. L’événement de parole chaque fois unique qu’est le chant de la berceuse repose sur la co-présence, la proximité, le corps à corps. Qu’il se trouve dans son berceau, qu’il soit enveloppé dans des bras protecteurs, l’enfant reconnaît l’inflexion d’une voix, ressent la chaleur, le souffle de la personne qui le berce. Le rythme du balancement, le rythme des pulsations cardiaques lui rappellent (peut-être) le rythme bienfaisant du temps où il vivait dans le ventre maternel. La répétition de sons ou de mots berceurs plus ou moins monosyllabiques (do, do) qui imite le va-et-vient du bercement scande la chanson. Ce balancement phonique tend peut-être à se rapprocher (imaginairement ?) du langage des enfants, les premiers sons appris très tôt. Tout un mimétisme qui est là pour signifier l’apaisement et le mouvement, l’apaisement dans le mouvement.
Lors d’une conférence sur les berceuses espagnoles prononcée à Madrid en 1928, Federico García Lorca précise que pour provoquer le sommeil de l’enfant, divers facteurs importants entrent en jeu :
Une fois que les fées ont créé l’ambiance, il ne manque plus que deux rythmes : celui, physique, du berceau ou de la chaise et celui, mental, de la musique. La mère conjugue ces deux rythmes – l’un qui s’adresse au corps, l’autre à l’oreille – et, avec des mesures et des silences divers, les mêle jusqu’au moment où elle obtient le ton juste qui charme l’enfant. (2008 [1928] : 131)
Et ce contact hic et nunc, plutôt complexe, la berceuse écrite ne peut en rendre compte. L’échange immédiat, direct, synchrone devient un texte à la communication différée, asynchrone : « Le mot écrit n’est plus directement lié au “réel”, il devient une chose à part, il est relativement détaché du flux de la parole, il tend à ne plus être autant impliqué dans l’action, dans l’exercice d’un pouvoir sur la matière. » (Goody, 1979 : 100)
On l’aura compris, ici, c’est la perte du corps que le passage au répertoire, au corpus révèle. Les corps (celui du bercé, celui du berceur) en co-présence, la gestualité et le toucher, la voix et ses inflexions mélodiques et changeantes jouent un rôle essentiel dans la berceuse. En effet, pour remplir sa fonction, la berceuse peut se passer de mots – elle peut être une sorte de murmure fredonné sur un rythme particulier. Elle ne peut pas se passer du corps et du geste. Dans ses réflexions sur « l’anthropologie du geste », Marcel Jousse précise que si « l’écriture empêche le libre jeu des gestes » (2008 : 284), par contre « nos mots sont incarnés profondément dans nos gestes. Si bien que pour avoir le mot, il nous faut faire le geste. » (307) Aussi est-il particulièrement attentif à la berceuse, celle de sa mère, petite paysanne sarthoise illettrée qui le berçait jadis et qui conservait dans ses bras berceurs, au-delà des années, la « forme » du petit Marcel.
Couchée sur le papier, prise dans l’ordonnancement de la page et passée au tamis de l’imprimerie, la berceuse écrite subit également l’effacement de sa dimension rituelle.
En effet, le mot « berceuse » – qui marque l’identification générique – entre dans la langue française un peu avant le début des grandes collectes3 : le complément du Dictionnaire de l’Académie française de 1881 le mentionne (121). Par contre, l’appellation ancienne que l’on trouve par exemple dans La Friquassée crotestyllonnée (XVIe siècle) est « chanson de nourrice ». Quant au Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle (1881) de Godefroy, il donne le terme de « berceresse », à traduire par « berceuse », dans le sens de « femme qui berce ». Il cite aussi le mot « bercere » qui signifie « nourrice qui berce » (623). Ce changement lexicographique n’est pas un simple jeu de substitution – un mot en remplaçant un autre – : c’est un changement de paradigme culturel dans lequel la dimension pragmatique s’efface au profit de la catégorisation littéraire savante. Le passage d’un micro/monde en actions à sa représentation couchée sur un univers de papier.
Il n’en demeure pas moins que la chanson/diction du bercement est bien un micro-rituel domestique. Celui ou celle qui berce (la mère souvent, le père ou tout autre personne qui s’occupe de l’enfant) tient le rôle de passeur. Il s’agit d’aider au passage de la présence à la séparation des corps. Et le sommeil, c’est l’expérience de la séparation originelle toujours renouvelée d’avec la mère. Pour glisser dans l’endormissement, il faut s’abandonner : apprivoiser le noir, le silencieux, le solitaire, l’immobile, le hors-temps. La berceuse, parce qu’elle est paroles chantées et fredonnements, rapprochement de deux corps, balancement régulier, rassure et assure la transition. Quand, dans les bras, l’enfant ferme les yeux, le chant devient murmure et l’adulte dépose délicatement dans le berceau le petit dormeur ou la petite dormeuse. Ce geste de détachement ne doit pas être fait trop tôt. Le passage doit être accompli (ou presque) sinon tout est à recommencer. Mais la personne qui berce initiée/habituée sait lire/deviner les signes du vrai sommeil.
Ce petit rituel domestique de la berceuse orale, qui marque les débuts de la vie, est de fait parfois présent aussi au moment de la quitter… En effet, il est possible d’esquisser une homologie entre le sommeil pacifié engendré par la berceuse et le sommeil éternel. C’est cette homologie – la langue nous y invite, les rites aussi – entre le berceau et la tombe que certains imaginaires culturels ou artistiques prennent en charge. Prenons quelques exemples où le corps et le geste, la voix et le chant, la mort et la vie donnent à l’oralité une de ses dimensions anthropologiques.
Voici d’abord un tableau de Vincent van Gogh intitulé La Berceuse4 qui peut nous introduire précisément à ce double endormissement. L’artiste se demande en effet s’il a « chanté avec ses couleurs une petite berceuse » (lettre à son ami Köning, 17 janvier 1889)… Le tableau semble bien aller de l’enfance perdue à la mort prochaine. La série des Berceuses (cinq toiles peintes de 1888 à 1889) encadre le fameux épisode de l’oreille coupée et précède le suicide de 1890. La Berceuse ici est moins une chanson dite/écrite qu’un geste. En effet, une femme tient une corde accrochée à un berceau, un berceau que l’on ne voit pas. Cette femme cherche peut-être à renouer avec les gestes d’autrefois de la mère qui berçait. Est-ce aussi une quête d’apaisement pour l’adulte vacillant au bord de la raison ? Au bout de la corde, y a-t-il un berceau, un cercueil ? De fait, la berceuse, son chant, ses gestes, ses « officiants », son « monde » vont d’un temps et d’un lieu à l’autre. Une corps/oralité retrouvée ? Un temps suspendu ? Un temps pendu ?
À travers la danse sarde de l’argia (c’est une araignée à la piqûre très venimeuse) l’anthropologie culturelle nous donne un second exemple de ce continuum symbolique entre bercement des vivants et bercement des morts. La personne piquée par l’argia doit être exorcisée dans les formes requises par le rite thérapeutique. L’argia, âme coupable et condamnée, vient en effet du monde des (mauvais) morts et elle injecte en quelque façon son tourment indicible à l’individu qu’elle pique. Celle ou celui qui est piqué peut être identifié à un enfant ou à un défunt, aussi existe-t-il une grande diversité de chants et d’actions cérémonielles pour prier « la grande argia » de s’en aller. Et le choix du rite approprié se fait en fonction de l’identification. Ainsi l’argia « petite fille » nécessite de placer la victime (un mort que l’on veut faire revenir à la vie) dans un grand berceau protecteur. Puis, on lui chante des ninne nanne. Il faut les chanter en pleurant. Cette oralité rituelle du chanter-pleurer est interrompue par des gémissements et des soupirs, un peu comme pour les lamentations funèbres exécutées par les lamentatrices professionnelles (Gallini, 1988 : 149-154).
Enfin, plus proche de nous sans doute, la littérature offre elle aussi de nombreuses associations berceuse-mort qui travaillent l’imaginaire des textes (bercer les morts, chanter une berceuse pour les morts). Cette littérature – certes écrite – témoigne de modes de bercement funèbre, mais elle en souligne les traits d’oralité. C’est bien la mélopée de la voix et la présence directe qui font la force et le pouvoir de ces berceuses rituelles dont la littérature moderne serait comme l’arche culturel. Ainsi, Chateaubriand décrit dans les dernières pages d’Atala (1801) le rite funéraire d’une jeune indienne – « la fille de la fille de René l’Européen » (1996 [1801] : 161) – qui tient son enfant mort sur ses genoux : « [Elle] chantait d’une voix tremblante, balançait l’enfant sur ses genoux, humectait ses lèvres du lait maternel, et prodiguait à la mort tous les soins qu’on donne à la vie. » (158) Dans « La Jasante de la vieille » (1914), Jehan Rictus, lui, fait entendre le parler des faubourgs d’une mère venue au cimetière se recueillir devant le carré des condamnés où son fils, guillotiné, est enterré. Au moment de partir, elle entend des pleurs, et c’est à la berceuse d’autrefois qu’elle a recours pour consoler symboliquement son enfant (et se consoler elle-même tout autant sans doute) :
Oh ! Louis… si c’est toi… tiens-toi sage
Sois mignon… j’arr’viendrai bientôt…
Seul’ment… fais dodo… fais dodo,
Comme aut’fois dans ton petit lit,
Tu sais ben… ton petit lit cage.
Chut !… c’est rien qu’ça… pleur’pas… j’te dis
Fais dodo va… sois sage… sage,
Mon pauv’tout nu… mon malheureux
Mon petiot… mon petit petiot. (1155)
Émile Zola lui-même, on s’en souvient, scénographie magistralement dans L’Assommoir (1877) le passage vers le grand sommeil. À la fin du roman, Bibi-la-Gaieté, le croque-mort voué aux frontières avec l’au-delà, retrouve spontanément les gestes et les paroles de la berceuse au moment de mettre Gervaise – son enfant imaginaire – dans son cercueil-berceau :
Et, lorsqu’il [le croque-mort] empoigna Gervaise dans ses grosses mains noires, il fut pris de tendresse, il souleva doucement cette femme qui avait eu un si long béguin pour lui. Puis l’allongeant au fond de la bière avec un soin paternel, il bégaya, entre deux hoquets :
- Tu sais… écoute bien… c’est moi, Bibi-la-Gaieté, dit le consolateur des dames… Va, t’es heureuse. Fais dodo, ma belle! (1969 [1877] : 445)
On perçoit combien le « fais dodo » de la berceuse vient re-ritualiser ce que la mort dans le placard sous l’escalier, comme un chien en quelque sorte, avait défait. Il ré-affilie Gervaise au monde des humains, une ultime fois. Ainsi, la berceuse, qui va du petit sommeil nocturne au grand sommeil fatal, semble apaiser les passeurs et les passants, les morts et les vivants6.
On voit combien la pensée sauvage de l’art et de la littérature peut ré-ensauvager la berceuse en lui faisant explorer les gestes perdus de la ritualité et retrouver des voix d’outre-temps.
Aujourd’hui, les berceuses font partie à part entière de la littérature de jeunesse. Et ce ne sont plus les ouvrages de collectes minutieuses que nous allons observer, mais les supports proposés au jeune public.
Un premier exemple nous est donné par le site Ricochet, une plateforme numérique dédiée à la littérature pour l’enfance et la jeunesse. À l’entrée thématique « Berceuses », une vingtaine d’occurrences sont répertoriées. Il y a quelques albums, mais plus particulièrement des livres-CD. Ce sont ces derniers que nous allons analyser. Mes plus belles berceuses jazz et autres musiques douces pour les petits (2015) sont présentées par l’éditeur comme « les plus belles berceuses jazz à mettre entre toutes les oreilles pour s’éveiller à la beauté du monde… » Est également signalée la présence d’« interprètes exceptionnels ». La personne qui berce de la tradition orale n’a pas besoin d’une technique vocale sophistiquée pour exécuter ce chant plutôt monotone. Mais, ici, la berceuse est en quelque sorte « élevée » au rang de spectacle musical à forte plus-value esthétique. Il s’agit d’éduquer au goût, au bon goût, et pour cela de ne pas s’endormir trop vite !
Cette esthétisation se retrouve également dans les autres titres : Les plus belles berceuses classiques (2013), Les berceuses des grands musiciens (2004), Henri Dès. Les plus belles berceuses (2006). On vante l’intérêt pédagogique qui permet « d’aborder le répertoire classique ». 27 chansons et berceuses (2013) propose des chansons « sélectionnées parmi les plus connues, à lire, à chanter et à regarder à deux ». La dimension éducative est toujours mise en valeur : « […] quelques mots sont mis en images pour faire participer l’enfant de façon ludique », précise le commentaire.
La qualité des voix et la performance artistique permettent d’éduquer l’oreille, la sélection permet de constituer un répertoire restreint et reconnu, la mise en textes et en images des chansons les transforment en objets à lire, à regarder et éventuellement à chanter.
Cette propension à faire de la berceuse un bel objet à voir et à lire est particulièrement mise en valeur dans l’album d’Anne Brouillard, édité en 2011 chez Seuil Jeunesse, qui imagine une Berceuse du Merle. Le site Babelio présente ainsi l’ouvrage :
Un petit texte écrit comme une berceuse, peut se chantonner : l’auteur en a composé la musique, dont la partition est reproduite en page titre. Les paroles rythment les pages de l’univers sonore qui entoure l’enfant. Le bruit que fait la maman dans la pièce d’à côté, celui des enfants qui jouent dehors, les sons plus lointains de la ville et, bien sûr, le chant du merle7…
Cette attention appuyée portée aux sons dans la présentation ne fait qu’accentuer la dimension muette de l’univers graphique et imagier que propose l’album. Une partition en ouverture donne des notes alignées sur une succession de portées disposées les unes au-dessous des autres. Le texte de la berceuse se déroule horizontalement sous chacune d’elles. Ensuite, les images entrainent le lecteur ou la lectrice dans la chambre du bébé qui dort, mais aussi à l’extérieur, sur l’arbre, avec le merle chanteur. Chaque image qui se déploie sur une double page évoque un élément du texte, qui s’inscrit tantôt en haut à gauche ou à droite de la page, tantôt en bas à droite. Cette berceuse pour un enfant qui dort déjà se termine par le réveil du bébé. Les illustrations aux couleurs chaudes et douces parlent d’un monde où les personnes, les animaux et les choses sont à leur place, comme le texte qui sagement dit le bonheur d’être tout petit.
La berceuse du deuxième album étudié puise davantage dans le corpus classique et renoue avec la fonction d’endormissement qui est la sienne. Dodo, l’enfant, do, de Timothy Knapman et Helen Oxenbury, est publié chez Kaléidoscope en 2016. Deux enfants, Alice, la grande sœur, et Jack, le petit frère, jouent dans le jardin, quand ils entendent un « bruit » mélodique qui vient de la forêt. Alice propose d’aller voir, le petit a peur du Grand Méchant loup. Ils y vont quand même et finissent par découvrir une « maman loup » (dit le texte) qui chante une berceuse à ses petits. Rassurés, ils rentrent à la maison, se couchent et s’endorment paisiblement.
L’album propose une fiction qui met la berceuse au centre de la narration et la déplace résolument du coté du monde de la littérature écrite enfantine : celui de la forêt des contes aux arbres immenses, nombreux, feuillus (c’est l’image qui le montre) ; celui aussi du Grand Méchant loup « avec ses grosses griffes pointues et ses mâchoires comme des hachoirs » (c’est le texte qui le répète). Et peut-être est-il possible d’ajouter à cette liste Alice, celle du Pays des merveilles et Jack, celui du haricot magique. C’est différent, nous semble-t-il, des berceuses de la tradition orale, plutôt ancrées dans le réel et le concret de la vie quotidienne :
Au berceau,
Dodo, dodo mon poulot
[…]
Apportez moi du lolo
Pour la soupe à mon poulot,
Là-bas dans un petit pot. (Rolland, 2002 [1883] : 9)
Les deux jeunes personnages que l’on suit sont embarqués dans une quête : la quête de la berceuse perdue, celle de la toute petite enfance possiblement. Ils peinent à la reconnaître et une grande partie de l’album se passe en interrogations.
La berceuse n’est d’abord qu’une succession de signes graphiques que les yeux déchiffrent. Abandonnant la ligne droite, l’écriture se fait courbe et juxtapose des lettres en caractères gras et regroupées en syllabes qui miment la mélodie lointaine. Dans un aimable jeu typographique, elle se distingue nettement du texte narratif, qui utilise des caractères plus fins, rangés au cordeau. Puis, petit à petit, au fil des pages, des mots apparaissent, plus ou moins reconnaissables : « Ô ô fan fan tôôô », « mon trésor ». Enfin, le texte de la berceuse « empoétisé » est donné en entier, dans une superposition de courbes régulières8, parfaitement lisibles. Un bel objet visuel esthétisé qui se lit comme une poésie :
Dodo, l’enfant do
L’enfant dormira bien vite
Je veille sur ton sommeil
Chante l’étoile dans le ciel
Dodo, l’enfant do
L’enfant dormira bientôt
Et l’enfant doucement s’endort
Fais de beaux rêves, mon trésor. (Knapman et Oxenbury, 2016 : 23)
On remarquera que, malgré la tentative de casser la ligne droite de l’écriture par une ligne courbe, les règles typographiques sont parfaitement respectées. Organisé en distiques, le texte de la berceuse doit jouer avec l’espace de la page. Pour permettre l’alignement de certains vers, un peu trop longs pour entrer dans le cadre prévu, le dernier mot est renvoyé au fer, à droite, sur la ligne qui suit. Notre jolie berceuse de papier élégamment calligraphiée est définitivement entrée dans la raison graphique.
Bien évidemment, un adulte peut lire l’album à de jeunes lecteurs ou à de jeunes lectrices et donner une voix au texte, mais il s’agira de faire entendre l’écrit, de l’oraliser. Ce mouvement d’oralisation des textes n’est d’ailleurs pas récent en littérature de jeunesse. Il suffit de se rappeler les bibliothécaires de L’Heure Joyeuse et la création de L’Heure du conte dans les années 1920. Mais ces mises en voix restent totalement soumises à l’ordre de la littératie : on réécrit les textes pour les alléger, on les apprend par cœur.
Alors, la berceuse, texte « plein, saturé, en un sens parfait » n’est plus cet objet « toujours ouvert », « imparfait », « lacunaire » que la transmission orale permet à un autre berceur-auditeur de compléter, d’enrichir ou d’abréger. Le lectorat de la jolie berceuse de papier, devant le texte fermé qu’elle propose, n’est plus capable d’entendre le « sous-texte » présent dans les lacunes ou les non-dits de la berceuse de l’oralité. Il a perdu « sa troisième oreille […], celle qui peut saisir ce qui n’a pas été dit mais seulement ressenti ou pensé » (Belmont, 1997 : 217). Sur les rayonnages des bibliothèques, écrites et revêtues de couvertures colorées, les belles berceuses des albums de littérature de jeunesse s’offrent au regard des lecteurs et des lectrices. Mais elles ne chantent plus… « Longtemps, longtemps la voix humaine fut base et condition de la littérature. […] Un jour vint où l’on sut lire des yeux sans épeler, sans entendre, et la littérature en fut toute altérée. » (Valéry, 1971 : 180, l’auteur souligne)
- Emprisonné en Belgique de 1873 à 1875, Paul Verlaine écrit, pour le recueil Cellulairement – qu’il ne publiera pas de son vivant –, une « Berceuse » qui s’ouvre par la strophe suivante : « Un grand sommeil noir/Tombe sur ma vie :/Dormez, tout espoir/Dormez, toute envie ! » Le poème se clôt par cette dernière strophe : « Je suis un berceau/Qu’une main balance/Au creux d’un caveau :/Silence, silence ! » (2010 [1873-1875] : 159)
- Dans Les Chants du crépuscule (1885), de Victor Hugo, « L’Hymne aux morts de Juillet » commence ainsi : « Ceux qui sont morts pour la patrie/Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie/[…]/Et, comme ferait une mère,/La voix d’un peuple entier les berce en leur tombeau ! » (2002 [1885] : 37)
- Anatole Le Braz, célèbre folkloriste de la Bretagne, compose lui aussi une « Berceuse d’Armorique » (1914) mise en musique par Poldowski. Cette berceuse met en scène une vieille femme qui chante pour endormir un petit enfant au destin tout tracé : comme son père il sera matelot et périra en mer. Enchâssés, comme dans une sorte de mise en abyme, deux vers disent le bercement des morts : « Au pays du Froid, la houle des fjords/Chante sa berceuse en berçant les morts. »
Vinson, Marie-Christine, « La berceuse, une oralité perdue ? », dans Ethnocritique, affiliation culturelle et littérature de jeunesse, 2024, “Ethno/lire”, https://ethnocritique.com/fr/article-dun-chapitre/52-la-berceuse-une-or….
27 Chansons et berceuses, Paris, Lito, 2013.
Complément du dictionnaire de l’Académie française, Paris, Firmin-Didot et Cie, 1881.
Henri Dès. Les plus belles berceuses, Paris, Gallimard Jeunesse musique, 2006.
Instructions relatives aux poésies populaires de la France, Paris, Imprimerie impériale, 1853.
Les Berceuses des grands musiciens, Paris, Gallimard Jeunesse musique, 2004.
Les Plus belles berceuses classiques, Paris, Gallimard Jeunesse musique, 2013.
Mes Plus belles berceuses jazz et autres musiques douces pour les petits, Paris, Gallimard Jeunesse musique, 2015.
Barthes, R., « De la parole à l’écriture », La Quinzaine littéraire, no 182, 1974, p. 11-13.
Belmont, N., « L’Écriture des contes », dans N. Belmont et J.-P. Gossiaux (dir.), De la voix au texte. L’Ethnologie contemporaine entre l’oral et l’écrit, Paris, Éditions du CTHS, 1997, p. 209-220, http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00421805/fr/.
Blanchemain, P. et B. Bricout, La Friquassée Crotestyllonnée. Rimes et jeux des enfants d’autrefois, Paris, Silène, 2013.
Bricout, B., Le Folklore oral de l’enfant, conférence présentée à l’Université populaire du Quai Branly (UPQB), 30 novembre 2016, https://www.canal-u.tv/video/cerimes/le_folklore_oral_de_l_enfant.33427.
Brouillard, A., Berceuse du Merle, Paris, Seuil Jeunesse, 2011.
Chateaubriand, F.-R. de, Atala – René, Paris, Garnier-Flammarion, 1996.
Gallini, C., La Danse de l’argia. Fête et guérison en Sardaigne, trad. de l’italien par G. Charuty et M. Valensi, Lagrasse, Verdier, 1988.
García, F. L., Mon Village et autres textes. Mi pueblo y otros escritos, trad. de l’espagnol par A. Belamich et G. Iaculli, Paris, Gallimard, 2008.
Gaudy-Le-Fort, A.-J. et J.-D. Blavignac, Glossaire genevois suivi de L’Emprô genevois. Rondes, rimes et kyrielles, Genève, Slatkine, 2001.
Godefroy, F., Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle, Paris, F. Vieveg, 1881.
Goody, J., La Raison graphique. La Domestication de la pensée sauvage, trad. de l’anglais par J. Bazin et A. Bensa, Paris, Minuit, 1979.
Hugo, V., Les Chants du crépuscule. Les Voix intérieures. Les Rayons et les ombres, Paris, NRF, 2002.
Jousse, M., L’Anthropologie du geste, Paris, Gallimard, 2008.
Knapman, T. et H. Oxenbury, Dodo, l’enfant, do, Paris, Kaléidoscope, 2016.
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Rictus, J., « “Jasante de la vieille” et “Berceuse pour un Pas-de -Chance” », dans Le Cœur populaire. Poèmes, doléances, ballades, plaintes, complaintes, récits, chants de misère et d’amour en langue populaire (1900-1913), Paris, Eugène Rey, 1914, http://www.florilege.free.fr/jehan-rictus/le_coeur_populaire.html.
Rolland, E., Rimes et jeux de l’enfance, Paris, Maisonneuve et Larose, 2002.
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